Firefox OS sur ZTE Open C : la voie est libre, mais la route est encore longue…

Un faux contact à l’un des boutons de mon précédent téléphone, et voilà, je me lance dans la grande aventure du logiciel libre sur ordinateur communicant de poche.

Les révélations successives de Wikileaks et de Snowden nous ayant bien remis à jour concernant l’ampleur du rôle joué par les téléphones portables dans la surveillance de masse exercée par nos gouvernements, l’idée d’un téléphone dont on contrôlerait enfin le code et donc le comportement, trotte dans la tête de beaucoup de monde, et depuis plusieurs années… Les attentes envers ce téléphone libérateur que nous promet Mozilla (en attendant les UbuntuPhone, les Jolla, les Tizen…) ont donc eu le temps de grandir dans nos têtes depuis les premières annonces.

Mais que se passe-t-il au creux de la main, une fois l’engin déballé, quand la queue du renard a fini de flamboyer au démarrage, pendant les dernières minutes où il faut encore patienter ?

La surveillance de masse reste

Tout d’abord, et puisque j’ai commencé par ce point un peu théorique en apparence, notons tout de suite, et avant d’y revenir, que défendre la vie privée des gens, pour Mozilla, ça ne consiste pas à vous protéger de l’espionnage que votre téléphone fait de votre vie. Le doute a par exemple encore clairement été dissipé lors de la soirée de lancement de Firefox OS en France, le 19 septembre dernier, entre les colonnades imitation marbre du siège parisien de Mozilla. En effet, seul l’agacement de l’ingénieur en charge de la présentation technique du nouveau produit de la firme a pu répondre aux questions de l’assistance au sujet d’une quelconque tentative de libération du code de la puce « baseband », celle qui réalise les télécommunications GSM, véritable donjon de silice présent dans tous les téléphones, fonctionnant en circuit fermé, sur son propre système d’exploitation.

La protection de la vie privée est pourtant bien l’un des chevaux de bataille de Mozilla, qui tente de se positionner sur ce créneau par rapport à la concurrence. C’est donc avec ce critère en tête que j’ai testé l’Open C, et force est de reconnaître que quelques suggestions d’améliorations sont humblement mentionnées par la suite.

Au démarrage

Une fois l’engin démarré, on débouche sur une mini animation interactive de prise en main du téléphone qui en illustre les principaux concepts. On a vite envie d’en finir quand on a déjà utilisé un mouchard de poche Android, mais ça permet de bien comprendre quelle est la cible de Mozilla avec Firefox OS : tous ceux qui ne se sentent pas concernés par les politiques tarifaires de la concurrence, celles là même qui visent à faire passer des télécommandes chinoises à écran pour des produits de luxe façon joaillerie. Dans les deux cas, on retrouve la même main d’œuvre du tiers monde pour tailler diamants et assembler smartphones, mais au moins Mozilla se contente de faire passer la misère sociale de ces travailleurs pour dix fois son prix et pas cent fois comme Apple. J’apprécie la nuance. Pour faire mieux dans ce domaine, il faudrait que l’équipe du Fairphone.org tende la main à Mozilla, et pour avoir contacté les deux parties, c’est bien du côté de Fairphone que ça traîne des pieds.

Une fois la présentation déroulée, on arrive sur une page d’accueil relativement standard depuis l’iPhone premier du nom (vous vous souvenez, celui qui n’était pas compatible 3G) :

  • une barre noire avec des icônes blanches d’état du téléphone : signal GSM, batterie, heure…
  • la zone de saisie d’un moteur de recherche
  • des icônes d’applications, organisées en volet défilables
  • une barre de quatre icônes fixes : numérotation, carnet d’adresses, SMS, navigateur web Firefox

Premières manipulations

Pour jouer un peu avec l’engin, je tente de faire une photo… bon c’est à peine une webcam en fait, j’aurais dû regarder les spécifications de l’Open C avant de me lancer : pas d’auto-focus, pas de flash, 2 mega-pixels… Mais c’est pas vraiment une surprise non plus, le téléphone est un modèle d’entrée de gamme, compétitif. Mozilla compte sur ce positionnement pour afficher de bonnes ventes et faire pardonner les petits couacs de jeunesse de son nouveau système.

Tentons de lancer un jeu pour se changer les idées. Il n’y en a pas, le dossier qui m’en promet sur le bureau est vide.

Voyons pour importer des contacts alors… Mais là je rencontre un vrai problème : il y a déjà 216 contacts dans mon carnet d’adresse !

Ça a bien fait rire la twittosphère et j’ai eu plusieurs mots d’excuse du revendeur en ligne. Bien sûr il estime que ce n’est pas sa faute à lui, et il faut reconnaître que la prise de conscience du précédent propriétaire de ce téléphone reconditionné n’est pas exemplaire. J’aurais dû en parler avec sa mère… En cherchant quelques minutes, on trouve, à cinq niveaux de profondeur de menus de paramétrages, un bouton pour ré-initialiser la mémoire de l’engin. Retour à la case départ.

Impossible d’importer ses contacts

Je tente donc d’importer mes contacts, après avoir visionné une deuxième fois la vidéo d’introduction… L’application de gestion des contacts livrée avec le téléphone propose justement l’opération. Je clique, je choisi ma carte mémoire, mais le suspens n’a pas le temps de s’installer, j’obtiens un laconique message d’erreur : « Impossible d’importer les contacts de la carte mémoire. »

Ça me chagrine sur le moment, parce que j’ai passé un certain temps à trouver une application, sur mon précédent téléphone, qui puisse m’exporter les-dits contacts en format vCard, le format standard depuis 1998 (RFC 2425 et 2426).

Convaincu que ça doit être une erreur, je range mon orgueil et me décide à lancer l’aide du téléphone, histoire de voir s’il y a une subtilité à connaître pour importer mes contacts. Seulement, l’aide du téléphone n’est pas pré-chargée, sans connexion internet, pas d’aide (évidemment, si vous avez du mal à vous connecter, tant pis).

Je lance une recherche depuis mon PC, pour apprendre que la méthode recommandée par Mozilla est d’installer une application tierce : vCardIn. Las, l’application en question ne donne pas l’impression de fonctionner sur l’Open C, ce que confirment quelques commentaires dans le Marketplace. Je suis bloqué sur un message d’erreur similaire au précédent, mais en anglais cette fois, avec donc la nette impression de reculer sur le problème.

Par une pudique ellipse, je vous ai épargné la lutte pour connecter l’engin en WiFi à Internet : saisir une clé WPA longue comme le bras avec le clavier virtuel, qui ne bascule en mode paysage que quand il veut, n’est pas une partie de plaisir.

Donc, si vous exportez vos contacts dans un dossier de votre carte mémoire (microSD), vous ne pourrez pas les récupérer dans votre nouveau téléphone alors que vous avez fait votre part du job, honnêtement.

Je suis finalement tombé sur une solution en essayant autre chose. Il suffit en fait de copier les fichiers vCard depuis un ordinateur à la racine de la mémoire intégrée au téléphone (donc sans passer par la microSD), pour que le carnet d’adresse les trouve… Ce n’est donc pas très compliqué, mais puisqu’il n’y a pas d’explorateur de fichiers intégré à Firefox OS il faut passer par un ordinateur tiers pour réaliser la manipulation.

De la pub partout

S’il ne fut pas facile d’importer des contacts, il n’était pas non plus possible de passer à côté de l’icône Facebook, dans le carnet d’adresse, qui propose de synchroniser ses contacts avec un compte chez ce défenseur fort reconnu de la vie privée. Il est également proposé d’importer des contacts depuis GMail ou encore Outlook…

Parmi les applications installées par défaut, on retrouve en tête : Facebook et Twitter. Deux gros introduits en bourse, sans autre morale aujourd’hui donc, que le profit de leurs actionnaires.

Cela donne un autre élément d’éclairage sur la stratégie de Mozilla avec ce téléphone. Il est en effet intéressant de se demander ce qui assure l’indépendance de Mozilla, lui permettant de nous proposer un navigateur web en logiciel libre, à la pointe (et sans DRM… cof-cof), et d’investir aujourd’hui dans le développement d’un système d’exploitation pour téléphone portable. La principale source de revenus de Mozilla, ce n’est pas un secret, c’est le contrat de préférence signé avec Google, pour que les résultats du moteur de recherche s’affichent par défaut dans votre navigateur quand vous vous trompez en saisissant une URL dans la barre d’adresse par exemple. Tout le monde est content avec ce système : les utilisateurs ont un navigateur gratuit, Mozilla récupère toujours plus d’argent, et Google tient son principal concurrent par les bourses.

Mais c’est un équilibre fragile. Google a par exemple lancé son propre navigateur (Chrome), qui après avoir d’abord principalement mangé les parts de marché d’Internet Explorer (le navigateur de Microsoft), continue son chemin, grignotant désormais aussi celles de Firefox (premier du nom). En suivant ce raisonnement et cette tendance, au lieu de donner toujours plus d’argent à Mozilla, Google pourra un jour se permettre de ne plus en donner du tout, le jour où le nombre d’utilisateurs de Firefox deviendrait négligeable devant celui de Chrome.

Réponse du berger à la bergère, Mozilla a donc décidé de consacrer ses millions à envahir le marché que Google, bon-an mal-an, domine aujourd’hui : celui des systèmes d’exploitation pour téléphones portables.

Bon, mais pourquoi est-ce intéressant pour Google de donner un système d’exploitation clé en mains aux constructeurs de téléphones ? Pour plusieurs raisons : – être l’intermédiaire entre les développeurs qui font des « apps » et les utilisateurs qui les achètent (avec perspective de commission à la clé) ; – gagner un nouvel espace d’affichage publicitaire (le seul truc rentable que Google fait) ; – éviter qu’Apple, avec sa stratégie d’intégration verticale (je fais tout moi-même), ne prenne toute la place…

Mozilla semble s’aligner sur cette logique, et profite donc de son nouvel espace d’affichage, de cette captation nouvelle de temps de cerveau disponible, pour louer ses pixels aux plus offrants.

On trouve donc une application de prise de note sponsorisée par Evernote.com (avec encart publicitaire dans le menu), une application de gestion du GPS réalisée par Nokia avec une licence à accepter avant usage…

On est là sur un positionnement délibéré, et face auquel la meilleure réponse me semblerait être la mise en place d’un abonnement de soutien à Mozilla à 5€ / mois, pour activer une option : plus aucune publicité.

Ne pas me pister ?

Tant qu’on en est à la pub, et avant de revenir à des choses un peu plus concrètes, j’ai été intrigué de trouver la célèbre option « Ne pas me pister », cochée par défaut, relativement en surface dans les paramètres du téléphone. C’est un débat qui a fait grand bruit l’année dernière : Mozilla a poussé le développement d’une fonctionnalité pour les navigateurs web, qui devait permettre à chacun d’annoncer (un peu naïvement) si oui ou non, il acceptait d’être pisté via les cookies de son navigateur, par les différents sites qu’il visite. La démarche, purement déclarative, tirait sa valeur du choix fait par l’utilisateur. Par défaut le pistage était accepté, et c’était alors une démarche consciente et personnelle que d’aller dans ses préférences pour demander à ne plus l’être. Après de longues négociations, les gros commerciaux ont refusé de s’intéresser à la chose, puisqu’il est bien plus rentable de vous afficher, sur le site web suivant, les produits que vous venez de regarder sur un site marchand, dans l’espoir que vous craquiez enfin, que de respecter votre choix, ou votre vie privée. La mesure (non contraignante) étant ignorée, je m’étonne de trouver encore aujourd’hui le réglage quelque part, et qui plus est activé par défaut. Une mesure un poil plus efficace en la matière est disponible via les add-ons de Firefox (le navigateur), Self-Destructing Cookies en tête, et ses amis : Disconnect, AdblockPlus, Flashblock, History Deleter…

Les collections virtuelles

Revenons sur les dossiers, ou « collections virtuelles ». J’étais surpris, au lancement du téléphone, d’avoir trois dossiers vides sur le bureau (Social, Jeux, Divertissements). En effet, j’imaginais qu’on avait placé sur mon écran un système de rangement d’icônes pour y ménager un peu de place libre, histoire de me laisser installer quelques applications depuis le « Marketplace » avant de devoir ranger ma chambre… Me retrouver encombré de rangements vides m’a donc étonné.

Le Marketplace se présente sous la forme d’une application installée par défaut, déroulant, pour peu qu’une connexion à internet soit disponible, un catalogue d’applications installables en deux clics. Je n’ai croisé que des applications gratuites, mais « Gratuit » est précisé tellement gros sur chaque application, qu’on ne peut que s’attendre à ce que certaines ne le restent pas. Et puis c’est le jeu ma pauv’ Lucette, libre ne veut pas dire gratuit.

Il y a profusion d’applications : calculatrice, gyrophare virtuel de police, lecteur de QR-code, dictaphone, importateur de vCard (qui marche pas), luxmètre, jeu du 2048… On a tôt fait de remplir plusieurs volets de bureau avec les icônes d’applications en tous genres. Il vient alors rapidement l’envie de faire du rangement. Ça tombe bien, Firefox OS propose de confondre plein d’icônes en une seule, pour gagner de la place. On dirait un dossier, ça prends la place d’un dossier, ça sent le dossier… Mais rapidement on tombe sur un truc louche : il est impossible de créer une collection virtuelle si on n’est pas connecté au net. Alors on s’y connecte, et là on constate qu’une collection dans laquelle on a encore rien mis est déjà pleine ! C’est presque aussi fort que le carnet d’adresse déjà rempli sur un téléphone reconditionné… Sauf que là c’est voulu. Ça ressemble fort à un nouvel espace d’affichage publicitaire, sous la forme d’applications ayant payé pour être ajoutées automatiquement (tout juste séparés d’une ligne) à mes dossiers, en fonction du nom de ces derniers.

De plus, la plupart du temps il s’agit d’applications en faux nez de sites webs (réseaux sociaux, journaux et magazines en lignes…) ce qui ajoute à l’incongruité de la chose quand on sait que ces applications, comme toutes les applications Firefox OS, sont elles-mêmes réalisées en HTML5, la technologie du web. Elles visent donc à faciliter l’accès, depuis votre téléphone, à des … sites webs justement ! C’est très fort de la part du développeur de l’un des meilleurs navigateur web au monde.

Une navigation en cul de sac

Il y a d’autres choix d’implémentations qui me dérangent à l’usage, mais on s’avance sur du ressenti un peu plus personnel du coup. Vu où on en est de ma vie privée de toutes façons, je peux bien vous en livrer un peu plus.

Le système de navigation entre les applications, et entre les pages des applications, est minimaliste : on lance une application, on déroule son menu, on travaille sur un contenu. C’est rapide, on ne se perd pas en chemin, c’est chouette. Par contre, dès qu’on veut faire autre chose… y’a plus personne. Pas de bouton « retour » ou « terminer » on est dans un cul de sac.

Dans sa solitude du moment, on trouvera rapidement l’unique « bouton » physique de navigation de l’engin, le rond sous l’écran. Et heureusement, il permet bien de revenir au bureau. On peut donc se lancer dans autre chose. Et puis rapidement le système se ralentit, voire se bloque pendant une demi-minute ou plus, avant d’accomplir en une fraction de seconde tout ce qu’on aura réussi à demander dans l’intervalle. On a alors en fait un téléphone par intermittence.

Quand le téléphone revient à lui, un appui long sur « le » bouton déroule la collection de toutes les fenêtres qu’on pensait avoir fermées, et on peut donc consacrer une bonne minute à fermer ces applications fantômes depuis la liste.

Le système, s’il est pensé comme son modèle et concurrent Android, est sensé être capable de fermer les fenêtres des applications pour vous, quand avez mis trop de bazar dans la mémoire vive disponible. Mais franchement, puisque c’est moi qui choisis d’ouvrir une application, je trouve logique d’avoir aussi à la fermer ! À vouloir faire ce choix à ma place, le système le fait moins bien. On n’est jamais mieux servi que par soi-même n’est-ce pas ?

Savoir jusqu’où peut aller l’automatisation d’une tâche est un équilibre complexe, c’est une arête tranchante… Les savants grecs s’inquiétaient déjà qu’on écrive tant de choses sur papier, puisque ça les retirait, selon eux, de nos têtes. Plus récemment, le débat est ressurgi pour se demander si Google (et internet) ne nous ramollissaient pas les boyaux de la tête à tout nous servir sur un plateau. L’Histoire semble montrer que l’avancée des technologies ne pose pas de problème de ce côté-là.

Mais on trouve aussi une famille d’exemples contraires dans l’industrie automobile. Le bip qui prévient que les lumières sont allumées quand on ouvre la portière conducteur. Il a pour effet de tuer à coup sûr la batterie d’une voiture non-équipée. Le frein-à-main automatique, qui se serre tout seul à l’arrêt du véhicule (et qui n’est plus vraiment « à main » du coup) il a pour effet de solliciter rudement les pare-chocs des voitures non-équipées quand un conducteur habitué en sort.

D’un point de vue théorique donc, pour qu’un automatisme rende service, il faut encore qu’il soit contrôlé par l’humain auquel il est sensé faciliter la vie, que l’ordre vienne toujours de l’utilisateur, que l’automatisme dispose d’un bouton marche (petit et vert), et d’un bouton arrêt (gros et rouge pour les urgences), tout comme les applications.

Dans notre cas, il faudrait un moyen, par défaut, de quitter les applications en les fermant (pour libérer de la mémoire), et un moyen optionnel de les laisser tourner en tâche de fond, pour pouvoir jongler entre plusieurs tâches en parallèle, sans se traîner dans les pattes la liste complète de tout ce qui a été ouvert depuis… une valeur difficile à prévoir (ce que le système aura jugé bon pour vous). On a en pratique le contraire. C’est le moyen optionnel et compliqué qui permet aujourd’hui de quitter une application en libérant des ressources (appui long, navigation dans la liste des applications, bouton de fermeture).

Un GPS sans carte

Comme on l’a déjà rapidement vu, les collections virtuelles ne fonctionnent pas sans connexion réseau. En fait c’est le cas de bon nombre d’applications du Marketplace, à tel point que c’en est devenu une des caractéristiques exposées dans la fiche d’une application dans la boutique.

Comme on l’a vu aussi, l’application tenant lieu de manuel d’utilisation « embarqué » ne fonctionne pas sans accès au réseau.

Mais parmi les applications qui ne fonctionnent pas sans réseau, il y a surtout l’application de cartographie et navigation par GPS fournie de base…

Certes, en pratique, pour utiliser un GPS il faut un peu de réseau pour aller chercher rapidement sur internet la liste des satellites qui se trouvent au dessus de sa tête à un instant donné, si on ne veut pas laisser le logiciel mettre dix minutes à se situer. Mais Nokia, puisque c’est leur faute là, nous avait habitué à garnir leur application d’une cartographie complète, au choix, des pays à garder localement en mémoire. Ça évite tout de même de re-télécharger la France à chaque trajet. Je grossis un peu le trait là, seuls les environs sont téléchargés, et pour ne pas les re-télécharger à chaque utilisation, une fonctionnalité propose d’enregistrer localement quelques niveaux de détails, de quelques régions, à délimiter soit-même. Mais pourquoi perdre son temps à choisir des portions de carte, quand on sait que la France en entier, tous niveaux de détails confondus, occupait moins de 250 Mo sur mon précédent téléphone. Un Nokia justement… Enfin Microsoft maintenant quoi.

Le Marketplace ne vient pas vraiment à la rescousse sur ce sujet. De nombreuses applications sont disponibles dans la catégorie « Cartes et navigation », mais aucune ne permet pour l’instant de télécharger localement la France depuis une connexion WiFi gratuite, au lieu d’échouer lamentablement à le faire depuis l’autoroute en grillant tout le forfait data qui restait (et oserai-je rappeler ici que c’est pas la joie un Firefox OS sans connexion ?).

Toutefois, je garde espoir avec l’application « mapp » au nom évoquant une faute de frapp, et qui, basé sur le projet OpenStreetMap, semble proposer les tuiles de la carte de Berlin en téléchargement. Faire rentrer la France dans le format qui va bien pour cette application semble donc être le dernier obstacle au bonheur. D’ailleurs Mozilla accueillerait volontiers l’opération dans ses locaux parisiens s’il y avait des motivés pour le faire. Ça fait tout de même une vraie différence pour le coup, avec ce que l’on peut connaître de la concurrence dans le secteur :-)

La lumière, enfin

Tout n’est pas noir avec Firefox OS, loin s’en faut. Je me suis attaché jusque-là à à ce qui m’a surpris, mais c’est avant tout un téléphone fonctionnel, aux fonctionnalités véritablement extensibles. Et voici même un petit exemple qui montre qu’il est possible d’avoir un usage maîtrisé de son ordiphone sous Firefox OS dans certains cas. L’exemple traite d’un sujet trivial, mais qui permet d’avoir, avec son brûle-cerveau, l’usage que l’on a de n’importe quel ordinateur. Voyons la prise de note dans un fichier texte !

Et oui, Firefox OS permet cela ! En installant tout de même deux applications (libres et gratuites) depuis le Marketplace :

Ainsi équipé, on dispose d’une alternative avantageuse au logiciel de prise de note fourni de base, qui contient de la pub et dont les notes sont stockées on ne sait où. La première application permet de saisir des notes qui s’enregistrent dans de vrais fichiers textes (ou HTML si on veut de la mise en page). Puis, grâce à la seconde, on peut vérifier dans le contenu de sa carte mémoire la présence des fichiers en question… Tout un monde s’ouvre alors à nous, on peut copier les fichiers sur un ordinateur, les envoyer en Bluetooth à un autre téléphone, gérer ses sauvegardes en toute indépendance. On est enfin libéré de l’application vendeur qui s’intercalait chez les autres, entre vos données et votre ordinateur de bureau. Il devient alors facile de gérer son téléphone, car il se montre enfin sous son vrai visage : un ordinateur comme un autre.

Firefox OS, déjà de la fragmentation

Évidemment, si vous voulez copier/coller du texte entre deux notes, vous serez tout de suite bloqué. Ce n’est en effet pas possible avec la version 1.3 actuellement vendue sur les Open C. Je ne pouvais pas vous laisser dans l’euphorie plus longtemps.

En cherchant de quoi remédier à la chose dans le Marketplace, on découvre un « Copy Paste Keyboard », qui vient sûrement compléter le clavier virtuel pour permettre de copier/coller du texte. Mais après avoir tenté trois fois d’installer ce logiciel annoncé comme compatible avec mon téléphone par le Marketplace, j’ai pris le temps d’en lire la description, qui précise qu’il faut un Firefox OS 2.0 pour que l’application fonctionne.

C’est assez surprenant d’avoir déjà des problèmes de versions, quand un seul modèle de téléphone est en vente libre dans le pays… Mais qui se plaindra de l’existence, déjà annoncée, de la prochaine version du système ?

Des idées simples pour le clavier virtuel

Parlons-en, de ce clavier virtuel. Il est composé de plusieurs faces, activables depuis les paramètres. On a ainsi une disposition azerty à la française (ou d’une autre langue proposée), et une face présentant les chiffres et symboles coutumiers de ponctuation : #, {, }, @…

Une fois qu’on a désactivé la vibration et le déclic sonore artificiels à chaque touche, c’est utilisable. Enfin, jusqu’à ce qu’il nous vienne l’idée d’écrire une phrase… là on se rend vite compte qu’il manque la virgule dans la face littéraire française. Il faut donc systématiquement afficher la face des symboles pour avoir la virgule, ou perdre le temps que ça prendrait en appuyant longuement sur le point (pour trouver la virgule dans les points alternatifs qui s’affichent alors dans un menu contextuel).

Ce que je trouve dommage là, quitte à devoir utiliser un clavier virtuel, c’est de ne pas pouvoir le personnaliser à ma guise. Autant ça ne me serait pas venu à l’esprit vu les touches physiques et marquées de mon précédent téléphone, autant le virtuel appelle à être redéfini, à l’infini. Pourquoi s’en priver maintenant que c’est possible ?

Dans le même ordre d’idées, que l’on saisisse des majuscules ou des minuscule, la face littéraire du clavier reste stoïque, alors qu’elle pourrait annoncer la casse de la prochaine lettre à sortir, pour pas beaucoup plus cher.

Oui, mais c’est libre

Vous l’aurez compris, j’ai connu quelques déceptions en explorant ce téléphone. Mais, là où la situation était définitive quand un problème se posait avec l’équipement de la concurrence, Mozilla laisse au moins les portes ouvertes. Du coup, il est possible de remédier à la plupart des soucis rencontrés, rien qu’en remplaçant les applications de bases quand elles fonctionnent mal, par d’autres, qui montrent bien comment elles fonctionnent, et sans les pubs…

Il n’y a pas d’explorateur de fichier installé par défaut !? Qu’à cela ne tienne, on peut installer « Fichiers » (j’en ai testé rapidement cinq autres dans le domaine, il y a de nombreux choix). Il n’y a pas de calculatrice ? Hop, installons « Good calc ». On veut faire du téléphone une ardoise pour illustrer un truc au cours d’une explication : Paint. Scanner un code à barre en deux dimensions ? QR Scanner.

Et il existe encore des milliers d’autres applications en tout genre : GBoy Emulator, Lux meter, Lunar pal, FlashLight…

Notons d’ailleurs que la gestion des droits des applications sur le système est simple et claire. Quand une application souhaite accéder aux fichiers, au GPS ou au capteur photo, une fenêtre de confirmation demande l’avis de l’utilisateur, qui peut permettre un accès ponctuel ou permanent. J’aurais toutefois aimé pouvoir changer d’avis après avoir autorisé un accès permanent.

Donc rien qu’avec des applications, on peut nettoyer son écran de beaucoup des publicités imposées, et ce n’est pas tout. Comme pour Firefox premier du nom, si Mozilla pousse un peu trop le bouchon commercialement parlant, on verra émerger un Iceweasel OS, ou un Icecat OS, débarrassé par défaut de tout le bloatware actuel…

Que manque-t-il encore ?

Que demander de plus ? Une application de chiffrement des SMS. Text Secure n’est pas encore porté pour Firefox OS, or c’est bien l’une des rares applications qui ont un effet en matière de protection de la vie privée. Ça, ce serait un argument pour que je remise vraiment mon vieux Nokia au placard.

Une application de guidage par GPS qui marche serait également un plus.

Ensuite, je ne peux personnellement pas non plus envisager de me passer d’un téléphone disposant d’un client SSH/Putty. Toutefois, la philosophie de Firefox OS étant de faire passer toutes les utilisations par le web… Je n’ai qu’à m’installer un AjaxTerm ou un ShellinaBox pour accéder à un client SSH via la version dépouillée du navigateur web Firefox embarquée dans Firefox OS.

Et côté matériel…

L’une des fonctionnalités que j’utilise le plus dans mon téléphone actuel est la lampe-torche basée sur le flash. Autant le halo de l’écran est suffisant pour trouver le trou de la serrure, autant quand on a fait tomber une pièce de monnaie sous une table dans un bar sombre, on apprécie un bon éclairage (et je vous épargne la vis au fond d’une cale de bateau, le travail minutieux dans un squat mal éclairé, ou la lumière encore en panne dans les escaliers…) Du coup, pour ne pas se priver du meilleur de la technologie toujours au fond de sa poche, il faudra regarder du côté du modèle Flame.

Pour moins du double du prix, on retrouve un flash, un auto-focus, une meilleure qualité de son, un haut-parleur, une grande batterie… Un peu tout ce qui manque à l’Open C. C’est juste pas encore prévu pour le grand public.

Conclusion

J’ai remis ma carte SIM dans mon précédent téléphone, dont le faux contact s’est heureusement mais mystérieusement envolé. Au prochain signe de fatigue du vénérable engin, je tenterai ma chance avec le Flame, en m’attachant à résoudre les quelques points bloquants listés plus haut.

L’Open C lui, ne se positionne pas en remplacement du haut de gamme de la concurrence, aussi bien matériellement que logiciellement. Pour autant, il est concurrentiel dans sa catégorie (comparé à l’entrée de gamme Wiko par exemple) et il est fonctionnel quand on cherche un téléphone amélioré (qui sait prendre des photos, jouer de la musique, lire des vidéos ou écouter la radio, gérer des courriels et un agenda, naviguer sur le web…).

Des milliers d’applications sont déjà disponibles pour cette plateforme, permettant (comme les add-ons du navigateur Firefox) de résoudre la plupart des problèmes rencontrés, ou d’ajouter la plupart des fonctionnalités dont on peut rêver. Avec enfin une technologie accessible pour développer de nouvelles applications, ce que Nokia n’a pas su faire en seize années de domination du marché des mobiles.

Alors, vive le logiciel libre, et vive le web ouvert en HTML5 (sans DRM).

Article publié initialement le 9 octobre 2014