La complainte de l'ignorant

« Oh moi tu sais, les ordinateurs, j’y comprends rien. Tout ça, c’est trop compliqué pour moi ! » Combien de fois a-t-on prononcé ou entendu cette phrase au détour d’une banale discussion ? J’ai arrêté de compter pour ma part. Quand il s’agit de technologies numériques (téléphone, tablettes, imprimantes, ordinateurs, etc), on a souvent tendance à botter en touche dès qu’une panne se présente.

Et pourtant, entre faire marcher un ordinateur et faire pousser des légumes, la différence n’est pas si grande. C’est un savoir qui s’acquiert, au fil du temps. On ne naît pas avec la science infuse, que ça soit pour faire marcher une imprimante, pour réparer une voiture ou tricoter une écharpe.

Derrière nos réactions face à ces objets et face à la technique, se cachent sans doute des biais de toutes sortes. La classe sociale, le genre, l’age, etc sont autant de paramètres qui font que lorsqu’il s’agit d’informatique ou d’une quelconque technologie étiquetée comme « moderne », on se sent et se présente comme étant des éternels incompétents.

Plusieurs problèmes se dessinent autour de ce phénomène. On peut commencer par citer le manque de diversité dans les milieux informatiques. Consciemment ou pas, les technologies numériques se retrouvent la chasse gardée de jeunes mâles blancs (je force évidemment le trait, la situation est plus complexe que ça suivant l’échelle et la zone qu’on considère). Mais si, vous savez, le petit cousin Jean Kevin qui répare votre Windows quand vous avez des virus ? Si l’on regarde la proportion de femmes dans les études supérieures en informatique, c’est catastrophique alors qu’il y avait bien moins de disparité il y a encore quelques dizaine d’années.

Il y a également une question écologique. Combien d’ordinateurs sont partis à la poubelle car considérés comme « trop vieux » et ne fonctionnant plus avec le dernier Windows ? Dans 90% des cas, ce matériel est encore utilisable pendant des années, moyennant un coup d’aspirateur dedans et une réinstallation du système d’exploitation. Sans pour autant en programmer l’obsolescence, les constructeurs de matériel et les vendeurs de logiciels ne vont certainement pas vous aider à maintenir en vie votre ordinateur le plus longtemps possible. C’est pourtant ce qu’on devrait faire si on prenait en compte l’impact écologique d’un renouvellement aussi fréquent.

Un autre problème inquiétant est la perte de contrôle sur nos vies que cela renforce. Aujourd’hui, le numérique est partout. Internet relie une bonne partie de l’humanité et permet de simplifier notre vie au quotidien. Mais à quel prix ? Si seule une poignée de personnes savent comment tout cela fonctionne et sont en mesure d’en contrôler le fonctionnement, la question du contrôle des objets qui nous entourent n’est plus anodine. Ça n’est pas une simple question de pouvoir dépanner son voisin comme on l’aiderait à faire sa vidange. Ça devient plus crucial quand il s’agit de la confidentialité de notre courrier, ou des élections facilement truquées avec le vote électronique.

En fin de compte, la question n’est pas que tout le monde devienne une pointure mais simplement de se débarrasser d’un conditionnement social qui nous maintient dans une position de dominé quand il s’agit des technologies numériques. Il est indispensable que ce soit l’humain qui contrôle la machine, pas l’inverse.

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